Le défi qualité dans l'horlogerie
Un sous-traitant horloger genevois spécialisé dans l'usinage de composants de haute précision pour des manufactures prestigieuses produisait quotidiennement des milliers de pièces minuscules (axes, ponts, roues dentées). La qualité était absolument critique car le moindre défaut sur une pièce pouvait compromettre le fonctionnement d'une montre valant plusieurs dizaines de milliers de francs. Le contrôle qualité était effectué par inspection visuelle manuelle au microscope, un processus lent, fatigant pour les contrôleurs, et imparfait.
Malgré des contrôleurs expérimentés, environ 0,5% des pièces défectueuses passaient inaperçues et étaient livrées aux clients, générant des réclamations coûteuses et menaçant les relations commerciales. Le contrôle manuel ralentissait également la production car chaque lot devait attendre d'être inspecté avant expédition. L'entreprise cherchait une solution permettant un contrôle automatique, exhaustif et en temps réel sans ralentir la cadence de production.
La solution de vision artificielle
Nous avons développé un système complet de contrôle qualité par vision artificielle combinant Azure Custom Vision, Azure IoT Edge et Power BI. L'architecture s'intègre directement dans la chaîne de production existante.
Chaque station de production a été équipée d'un système de capture d'images haute résolution comprenant une caméra industrielle 12 mégapixels avec objectif macro, un éclairage LED multidirectionnel éliminant les ombres et reflets, et un plateau tournant motorisé permettant de capturer la pièce sous 8 angles différents. Les images sont capturées automatiquement dès qu'une pièce est déposée sur le plateau, sans intervention humaine ni ralentissement de la production.
Les images sont analysées en temps réel par un modèle de vision artificielle entraîné spécifiquement pour détecter les types de défauts rencontrés dans cette production : rayures sur les surfaces polies, bavures sur les arêtes, défauts de filetage, dimensions hors tolérances, courbures anormales, et contaminations (poussières, résidus d'usinage). Le modèle a été développé avec Azure Custom Vision et entraîné sur plus de 50'000 images de pièces conformes et 8'000 images de pièces défectueuses de tous types.
Pour gérer les contraintes de latence (décision en moins de 2 secondes), le modèle est déployé en edge computing sur un dispositif Azure IoT Edge installé directement à l'atelier. Cette architecture évite d'envoyer les images dans le cloud, garantissant des temps de réponse instantanés même en cas de problème réseau. Le modèle tourne sur un processeur avec accélération GPU permettant l'analyse rapide des 8 images par pièce.
Lorsque le système détecte un défaut, plusieurs actions automatiques se déclenchent. La pièce défectueuse est éjectée automatiquement du flux de production vers un bac de rebut, un voyant rouge s'allume pour alerter l'opérateur, une photo du défaut est sauvegardée dans Azure Blob Storage avec les métadonnées (type de défaut, station, timestamp, numéro de lot), et une notification est envoyée au responsable qualité via Teams si le taux de défaut dépasse un seuil critique suggérant un problème machine.
Les pièces conformes poursuivent automatiquement leur chemin dans le processus de production. Un code QR unique est gravé au laser sur chaque pièce approuvée, permettant une traçabilité complète. Ce code lie la pièce physique à son dossier numérique contenant les photos de contrôle, paramètres de production, et certificat de conformité.
Un tableau de bord Power BI connecté en temps réel aux dispositifs IoT Edge affiche les métriques de qualité pour chaque station de production : nombre de pièces inspectées, taux de conformité, types de défauts détectés, et tendances horaires. Ce dashboard permet d'identifier rapidement les dérives qualité et d'intervenir avant qu'un grand nombre de pièces défectueuses ne soit produit.
Les résultats mesurés
Après dix mois de déploiement progressif sur l'ensemble des lignes de production, les résultats sont exceptionnels. Le taux de défauts expédiés aux clients a chuté de 98%, passant de 0,5% à 0,01%. Les réclamations client ont pratiquement disparu, renforçant considérablement la réputation de fiabilité du sous-traitant. Plusieurs manufactures prestigieuses ont augmenté leurs commandes suite à cette amélioration qualitative.
La productivité a augmenté de 35%. L'inspection automatique en ligne élimine les goulets d'étranglement du contrôle manuel différé. Les pièces sont validées immédiatement et peuvent être expédiées sans attente. Le temps de cycle du devis à la livraison a diminué de 2 jours en moyenne.
Les coûts de non-qualité ont baissé de 85%. Les pièces défectueuses sont détectées immédiatement après production plutôt qu'en fin de processus ou pire, chez le client. Cela évite les coûts de reprise, de logistique retour, et de traitement des réclamations. L'économie annuelle dépasse 180'000 CHF.
Les équipes de contrôle qualité ont été réaffectées à des tâches à plus forte valeur ajoutée : analyse des causes racines des défauts, amélioration continue des processus, et validation de nouvelles pièces. Leur satisfaction professionnelle s'est améliorée car ils ne passent plus leurs journées à regarder dans un microscope, travail répétitif et fatigant.
La traçabilité complète permise par les codes QR et l'archivage des images a des bénéfices multiples. En cas de problème ultérieur, le sous-traitant peut prouver que la pièce était conforme à l'expédition. Cette capacité a déjà permis d'éviter une réclamation injustifiée sauvant une relation commerciale de plusieurs centaines de milliers de francs annuels.
Amélioration continue du modèle
Le modèle de vision artificielle est réentraîné trimestriellement avec les nouvelles images collectées, incluant les rares faux positifs (pièces conformes rejetées par erreur) et faux négatifs (défauts manqués) signalés. La précision initiale de 94% a progressé à 99,2% après dix mois d'apprentissage continu.
Lorsqu'un nouveau type de pièce entre en production, une phase de calibration de quelques heures permet d'adapter le modèle aux spécificités géométriques et esthétiques de cette nouvelle référence. Le système gère désormais plus de 150 références différentes avec une seule installation.
Un mécanisme de contrôle aléatoire humain vérifie 1% des pièces acceptées pour détecter d'éventuels faux négatifs. Ces rares cas sont immédiatement utilisés pour réentraîner le modèle, créant une boucle d'amélioration permanente.
Architecture et intégration industrielle
L'architecture combine des caméras industrielles SICK avec éclairage Chromasens, des dispositifs Azure IoT Edge basés sur NVIDIA Jetson pour le compute edge avec accélération GPU, Azure IoT Hub pour la télémétrie et le management des devices, Azure Blob Storage pour l'archivage des images de défauts, et Power BI pour les dashboards temps réel.
L'intégration avec les machines de production existantes a été réalisée via des automates programmables Siemens communiquant en Profinet. Le système de vision s'insère naturellement dans le flux sans modification majeure des équipements existants.
La fiabilité est critique dans un environnement de production. L'architecture edge garantit que la production peut continuer même en cas de panne réseau ou cloud. Les dispositifs IoT Edge fonctionnent en mode autonome et synchronisent les données quand la connectivité est rétablie.
Le coût total du système incluant les équipements de vision (8 stations), les dispositifs IoT Edge, les licences Azure et le support houle représente un investissement initial de 120'000 CHF et un coût opérationnel mensuel de 800 CHF. Le ROI a été atteint en 14 mois grâce à la réduction des coûts de non-qualité et l'augmentation des volumes de production.
Extension à d'autres contrôles
Forte du succès du contrôle visuel, l'entreprise déploie maintenant des systèmes similaires pour d'autres aspects qualité : contrôle dimensionnel automatique par vision calibrée remplaçant le palmer manuel, détection de défauts métallurgiques par imagerie thermographique, et inspection des surfaces polies par lumière rasante pour détecter les micro-rayures invisibles à l'œil nu.
Conclusion
Ce système de contrôle qualité par vision artificielle démontre comment l'IA peut dépasser les capacités humaines pour des tâches d'inspection répétitive nécessitant précision et exhaustivité. En garantissant une qualité parfaite tout en accélérant la production, le sous-traitant horloger a transformé la qualité en avantage compétitif différenciateur. Cette excellence est devenue un argument commercial majeur sur un marché très exigeant.